rosario gomez ♫ hooked on a feeling

8. am (UTC -3) Tap tap tap – Tu te réveilles au son de la pluie frappant ta fenêtre, un son si rassurant et familier que tu ne peux t'empêcher de te sentir calme et sereine pendant un instant, tu t'étires, un sourire se formant sur ton visage puis la réalisation que ce son n'a absolument pas sa place dans ton quotidien te fige et tu ouvres les yeux pour voir un grand soleil illuminer ta chambre... Tu te persuades que ce n'est rien, les restes d'un rêve très vif voilà tout mais tu n'arrives pas à t'en convaincre complètement, il y a comme une voix au fond de toi qui te dis que quelque chose ne va pas, un pressentiment persistant qui ne veux pas se taire. Tu n'as pas le temps de te remettre en question ou de t'attarder sur des chimères, tu te lèves et entames ta journée, le son de Vicky Sue Robinson rythmant ta matinée. ♫

3. pm (UTC -3) « ¡Holà! Bienvenido en Art Factory, welcome to Art Factory, how can I help you? » –  Malgré le son des touristes et le brouhaha continu de l'auberge, tu enchaînes les clients, réponds aux questions et guides les curieux qui veulent découvrir les secrets que renferme «le Paris de l'Amérique latine. » Ça tombe bien tu as vécu ici toute ta vie, et cette ville tu en connais chaque recoins. Buenos Aires est ton chez toi, chacun de ses murs colorés est une œuvre d'art à tes yeux et les sons de la ville, les klaxons de 9 de julio comme les notes de tango émanant des rues voisines sont les hymnes de ton cœur. Tu passes d'une langue à l'autre avec aise pour discuter, anglais, espagnol, portugais, un peu d'allemand, les consonnes et voyelles roulant gracieusement de tes lèvres et cela tu n'en es pas peu fière. Après tout, ton talent pour les langues t'a permis de gagner ton indépendance, un bol de liberté tellement désiré et bien mérité à ton goût. Tu aimes ta famille bien sûr, « la sangre llama » n'est pas quelque chose que tu prends en vain mais dans cette famille tu te sentais oppressée. Tu n'étais jamais assez bien malgré tous tes efforts et la déception que tu pouvais lire sur le visage de tes parents de faisait qu’approfondir ton mal être. Jamais assez féminine pour tes parents, jamais assez masculine pour tes frères.... Oh, tu t'identifies bien comme une femme, enfin tu crois, mais tout cela a bien peu d'importance pour toi. Tu es bien dans ton corps tel qu'il est, bien dans ta peau et ta sexualité, tu aimes les hommes comme les femmes et ce depuis ton adolescence, bien dans ta tête.... peut être le dernier, au vu les événements récents.

Du coin de l’œil tu aperçois près de l'entrée l'une de tes collègues parlant discrètement avec un homme, tu crois reconnaître son nouveau petit ami. Tu es plutôt perceptive et capable de lire dans les situations et ce que tu vois ne te dis rien qui va, il a sa main serrée sur son poignet à elle, ses articulations blanchissants sous la pression. Tu peux sentir la colère monter en toi, ton sang ne faisant qu'un tour mais tu tentes de garder bonne figure pour les clients en face de toi, ton sourire routinier figé sur ton visage et ton crayon tapant furieusement contre ton carnet. Aussi vite qu'elle a commencée l'altercation est finie et ton amie s'approche de toi, essuyant discrètement des larmes aux coins de ses yeux. Tu ne veux rien dire car ne sont pas tes affaires mais tu ne peux te retenir. «Tu sais on m'a toujours dit que j'avais un bon crochet du droit.... je serais ravie de mettre mon poing à ta disposition si jamais tu en as besoin.» Surprise, elle rigole mais elle te rassure que ce n'est pas nécessaire. Buenos Aires est ton sang et ta chair mais tu n'es pas aveugle aux problèmes qui gangrènent ta ville : la drogues et les meurtres sont monnaies courantes dans certaines parties de la ville, conséquences de la pauvreté qui affecte la majorité de la population. Tu sais que tu as été chanceuse, bien que tu n'as jamais eu beaucoup d'argent, tes parents et ton frère aîné t'ont tenu éloigné des pires vices de cette ville que tu aimes tant mais ce n'est pas le cas pour tout le monde en commençant par certains de tes frères. Toi même, tu as du apprendre à te battre, pratiquant la boxe en secret car cette ville que tu aimes est sulfureuse : aussi belle que dangereuse. «Brandi» passe à la radio, tu augmentes le son pour chasser tes idées maussades et souris aux nouveaux clients. ♫

10. pm (UTC -3) – «Que este es el momento guapo / Dance, dance, dance.» ♫ Tu es assise à un café, savourant une cigarette après une longue journée, la fumée se perdant dans le ciel sombre, et tu rigoles, incrédule d'entendre du Bandana sortant d'un café à côté probablement pour le bonheur des touristes. Personnellement, tu as un écouteur dans l'oreille et «Wham Bam» berce ta soirée, ton pied tapant le rythme contre la table presque de sa propre volonté. La musique est tout pour toi bien que tu n’as jamais pu apprendre. Tu attends ton amie, elle doit te rejoindre bientôt et ensemble vous allez profiter de ta soirée libre pour prendre du bon temps dans l'une des boîtes du coins. C'est ton amie d'enfance mais dernièrement tu ressens quelque chose de plus fort pour elle, peut être l'as tu toujours ressenti, tu n'en sais plus rien. Tu n'es plus sûre de tes sentiments depuis un certain temps. Tu n'arrête pas de te perdre dans tes pensées. Tout ce bouscule, tu as ce sentiment étrange qui ne te lâche pas et que tu ne peux exactement nommer. C'est comme si tu avais oublié quelque chose, ou plus exactement comme si quelque chose te manquait, quelque chose de crucial.... Tu fermes les yeux et, telle Alice, tu chasses ton lapin blanc. Le café et la rue deviennent un fond sonore comme de l'autre côté d'une vitre, le vent que tu sentais sur ta peau il y a encore quelque instants n'est plus là, et dans ce silence tout ce que tu entends est un son léger, rythmique et répétitif comme les touches de clavier d'un ordinateur... tap tap tap ♫