Come back and tell me why I'm feeling like I've missed you all this time + Izaak

Come back and tell me why I'm feeling like I've missed you all this time

avec Izaak Baranowski

Kat plonge ses mains dans les poches de son jean, profitant de cette belle journée pour passer par sa boutique de vêtements favorite. Avec la chaleur inattendue qui s’est abattue sur Varsovie, elle ressent le besoin de s’acheter un T-shirt. Elle ouvre la porte du petit magasin et se laisse envelopper par l’odeur de lavande et de pluie qui y règne, donnant l’impression qu’il appartient à une époque passée, lointaine. La vendeuse lui sourit, en voyant sa chevelure blonde passer le seuil. Kat se considère comme une habituée maintenant. La capitale lui est familière depuis trois ans, depuis que sa vie à Starachowice n’est qu’un vague souvenir seulement ravivé par de rares visites. Elle fait glisser ses doigts sur les différents tissus, les différents motifs qui s’offrent à ses yeux. Elle veut quelque chose de coloré tout en restant simple, quelque chose de léger mais pas trop découvert, quelque chose qui aurait été fait pour être porté avec son jean. Ce dernier est bleu clair mais affiche un blanc délavé au niveau des cuisses. Difficile, elle ? Peut-être un peu, mais elle ne peut se permettre d’acheter n’importe quoi. Après une heure à analyser chaque rayon, elle finit par se décider pour un T-shirt blanc sur lequel était représenté un arc-en-ciel avec en-dessous, écrit en lettres capitales : CALIFORNIA.

Elle pense rentrer directement retrouver ses colocs pour le goûter lorsque son regard s’attarde sur l’exposition qui a lieu au café melon. Ce lieu grouille toujours de gens à la recherche de nouveauté, de culture et d’âmes aussi seules que les leurs. La galerie d’art a aujourd’hui laissé place à des photographies sur le thème des « émotions en noir et blanc ». Kat et son désir d’analyser les réactions suscitées par ces œuvres sur les observateurs curieux sont entraînés à l’intérieur. Une odeur de café et de chocolat titille ses narines et lui donne envie de commander. Elle envoie un message à Justyna pour lui faire savoir qu’elle rentrerait plus tard que prévu. Elle veut rester plus longtemps, profiter des photos, du café et de l’endroit pour se reposer et peut-être lire. Elle ne sort jamais sans un roman dans son sac. Elle pense même réussir à oublier que depuis quelques semaines elle perd complètement la tête. Toutes ses filles qui s’invitent dans son esprit, dans son décor, dans sa vie et tous ces nouveaux horizons qui se dessinent sous ses yeux la perturbent. La dernière fois qu’elle avait appelé Niko au téléphone, son ancien meilleur ami avait relevé que quelque chose n’allait pas. « T’as l’air ailleurs meuf. T’es sûre que tout se passe bien ? Y a des gosses de riches qui t’ont cherché des poux ? » Kat prit le temps de réfléchir, comme si ces questions pouvaient réellement avoir des réponses. Les inconnues qui s’installaient dans sa tête ne semblaient pas toutes avoir des vies faciles, pas comme les autres étudiants de son université. La polonaise n’était même pas sûre d’être celle qui avait eu la vie la plus difficile. « Non y a rien t’inquiète. T’sais les examens tout ça, ça me met sur les nerfs. » Il sait qu’elle cache la vérité. Elle sait qu’il sait. Elle balaie ce souvenir d’un geste de la main et se dirige vers la galerie d’art du café.

Elle se poste devant un immense cadre sur lequel une jeune femme passe une main dans ses cheveux, posant l’autre sur son cœur comme pour le protéger, ses yeux sont vigoureusement fermés. La légende dit : « désillusion ». Pourquoi ? Parce que le premier organe touché par la perte de tout espoir est le cœur ? Parce qu’on ferme les yeux pour refuser de voir la vérité en face ? Kat est désarçonnée par cette image, oubliant d’analyser les autres et non de se perdre dans ses propres émotions. Elle se détache de l’œuvre un instant, laissant son regard se poser sur un homme imposant par sa présence, blond, aux grands yeux bleus, si grands qu’on pourrait s’y plonger pendant des heures. Mais ils n’expriment rien, presque rien. Un instant elle pense voir un sentiment les traverser. On dirait qu’il la reconnait puis qu’il est perdu. Kat se demande si elle l’a déjà vu quelque part. Non, son visage ne lui dit rien. Elle ne sait pas quoi faire. Partir ou lui parler ? Elle penche pour la deuxième option parce qu’elle est étrangement fascinée par lui, comme s’il valait toutes les émotions plaquées contre le mur de la galerie sans en exprimer aucune. « Vous avez une théorie pour le choix du noir et blanc ? On se dirait que les émotions ce serait plutôt passer par toutes les couleurs, ce serait les mélanger et les séparer, les éclater les unes contre les autres pour obtenir quelque chose qu’on ne comprend pas toujours. Mais les émotions ce n’est sûrement pas noir et blanc. » Elle s’est peut-être un peu laissé aller mais elle veut paraître intelligente et réfléchie, comme si elle savait de quoi elle parlait. Elle veut aussi voir sa réaction. Que fait-il ici, dans une galerie d’art ? Pourquoi a-t-elle l’impression qu’elle devrait le connaitre ?

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